La création de l'album CERC du groupe de rock Artús, son exploration des profondeurs, celle de l'invisible mais bien présent, en particulier celui de l'immense réseau de gouffres et de boyaux de la Pierre Saint Martin caché à ceux qui restent en surface, mais périlleux et fantastique pour ceux qui s'y aventurent... a été pour moi l'occasion de faire le parallèle et d'y intégrer des éléments en lien avec la psychologie des profondeurs de Carl Gustav Jung.
Le symbolisme comme soubassement du développement de la psyché humaine, voire du langage, comme pont entre le conscient et l'inconscient, nous donnant la capacité à tisser un lien entre nos vies intérieures et ce qui nous entoure, c'est à dire le monde, et à travers lui assimiler notre expérience humaine et évoluer. Jung va même jusqu'à dire que chaque individu est en mesure de puiser une connaissance profonde de soi dans un universel Humain fondamental, pour en tirer des matériaux de construction et de réparation, quelle que soit la teinte de nos cultures disparates. Une architecture psychique sous-jacente commune qui relierait l'humanité, cet inconscient collectif ayant une vie et une évolution qui lui serait propre.
Je ne suis pas du tout un mystique. J'ai plutôt une culture scientifique, et j'aime l’observation des phénomènes. C'est dans cet état d'esprit que je me suis senti proche de Jung quand je l'ai lu sur ces sujets, et je trouve fascinant comment l'usage des symboles et les phénomènes de synchronicité qui y sont liés permettent de dialoguer et faire remonter à la conscience des parts de nos psychés plus vastes et complexes qu'elles ne le laissent paraître.






Le tarot de Marseille avec ses 22 arcanes majeurs (dont j'ai mis quelques exemples ci-dessus) et 56 arcanes mineurs, est un de ces outils d'introspection alliant symbolique et synchronicité. À travers lui le dialogue avec cet intérieur peut se mettre en place si on lui accorde ce pouvoir. J'ai tendance à le voir comme un miroir de nos états intérieurs, chaque carte portant en elle le germe d'une interprétation et réflexion personnelle, chaque détail qui la compose nous renvoyant à nous-même face à une situation donnée. Chaque élément forme un tout dialoguant dans l'espace des illustrations, mais aussi entre les cartes, par leurs dynamiques et les interactions qu'on perçoit, celle des regards, des gestes, des attitudes, des objets, des couleurs, etc. Cela peut ouvrir une voie de compréhension, et idéalement, selon moi, peut enrichir et transformer notre regard sur nous-même et le monde.
Quand j'ai créé les dessins ci-dessus pour l'album CERC, j'avais tout ceci en tête et l'envie de créer une interface pour entrer dans cette dimension de notre musique, une de ses fondations que nous sommes aller découvrir en nous mettant en création sur ces sujets passionnants. Six cartes pour six morceaux, sans nom, ni ordre, interchangeables à loisir, selon l'humeur, selon l'envie, selon le hasard, comme vous voulez, comme ça vient.... Un écho visuel aux thèmes, textes, harmonisations, rythmes et détails qui parcourent et traversent les morceaux et font du lien entre eux malgré leur apparente singularité. La symbolique du tarot est présente dans ces cartes, s'accumulant, se chevauchant. Pour me lancer, je me suis fié à mon intuition et à mes connaissances. J'ai mis en place certaines proportions et dispositions... disons des repères pour dessiner, un canevas essentiel pour contraindre les dessins à avoir des similarités. Ensuite j'ai laissé venir ce qui venait... Pas de couleur pour éviter de les charger avec du sens supplémentaire, même si le choix du noir et blanc est déjà un choix qui n'est pas neutre, mais bon... hop, pas de couleur. Le résultat pour chacune d'elles contient une ambiguïté de lecture quant au sens qu'elle véhicule, car j'aime cette lecture ouverte que défend par exemple Alejandro Jodorowsky du tarot, par delà le manichéisme bien/mal, ombre/lumière. Seul l'observateur a le pouvoir de juger, selon ses ressentis et son système de valeurs.
Chaque carte offre un premier niveau de lecture, et en les plaçant les unes à côté des autres, on a le sentiment qu'elles communiquent... c'était mon but. Mais j'ai eu la surprise de voir à quel point, en finalisant les fichiers pour leur impression. Pour ce faire, je les avais superposées par transparence les unes sur les autres pour vérifier certaines proportions. C'est là que c'est apparu clairement : les symboles, de par mes choix concernant leur place, entrent en relation dans l'espace des cartes, offrant un niveau de lecture supplémentaire, certains détails et interactions se révélant porteurs de dynamiques, et donc de sens pour l'observateur, inattendus. Pour certains éléments ou personnages, je savais ce que je faisais, j'avais prévu la relation, mais pour d'autres, ils se sont invités à mon insu, et j'avoue que j'aime ce clin d’œil de l'inconscient, bien dans le thème de cette production. J'ai mis ci-dessous quelques superpositions possibles pour que vous en jugiez par vous-même.
Et si vous voulez écouter l'album qui m'a inspiré ces images, faites un tour par là https://artusrock.bandcamp.com/album/cerc
Thomas
14/02/2025